Les humains sur la Terre : un très bref scénario dramatique ?

Grataloup

Les humains sur la Terre : un très bref scénario dramatique ?

Conférence inaugurale

60 min.

Parmi les milliers d’exoplanètes aujourd’hui connues, il n’y en a pas une seule, semble-t-il, où la vie a pu s’épanouir durablement. Seule la Terre présente, depuis 3 milliards et demi d’années, un foisonnement des formes de vie qui a fini par compter un primate hyper-social, Sapiens. Les humains, pourtant très homogènes biologiquement, forment des groupes très différents les uns des autres, en constantes mutations : ils produisent un processus permanent qu’ils appellent « l’histoire ». Ils ont même la spécificité d’en refabriquer perpétuellement le récit. Le propre des humains est de (se) raconter des histoires et des les mettre en images. Il n’y a pas de festival de Pessac sur aucune autre planète.

Or, aucun des autres vivants terriens n’a pu être aussi ubiquiste que les humains. Ils sont partout et laissent leur marque dans tous les milieux que propose la mince enveloppe superficielle à la surface de la planète, quelques kilomètres d’épaisseur tout au plus, où la vie est possible même difficilement. Pour cela, il a fallu maîtriser des artefacts qui ont permis de vivre hors de la savane arborée originelle : le logement, le vêtement et surtout le feu. Pour survivre et proliférer dans des régions dotées de nuits et d’hivers froids, il a fallu transformer la surface de la planète parfois bien au-delà de la mince couche de vie : jusqu’au au fond des océans, à des kilomètres dans la lithosphère et plus encore dans l’atmosphère. Une aventure prométhéenne qui a permis à cette modeste espèce comptant tout au plus deux ou trois millions d’individus il y a douze mille ans d’atteindre l’effectif effarant de plus de huit milliards aujourd’hui.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Le scénario n’était pas écrit il y a cinquante mille ans. Avant de devenir une espèce invasive, Sapiens aurait bien pu disparaître. Mais sa capacité unique à vivre partout, à utiliser les particularités les plus opposées des lieux de la planète, à créer des sociétés constamment mutantes, lui a permis de diversifier les biens, matériels et immatériels, produits ici et ailleurs. Alors les humains ont échangé. Si chaque société produit sa dynamique propre, écrit son scénario particulier, elle est aussi contrainte par ce qui se passe à proximité : chacune a, pour partie l’histoire de ses voisines. Or, ces sociétés voisines ont aussi des voisines… L’histoire connectée est très ancienne. Les liens exploitent ou subissent les contraintes terrestres qui, compte-tenu des cultures techniques et géographiques, facilitent ou restreignent ces contacts.

Les interrelations sont souvent des rapports de force, mais aussi des diffusions involontaires comme les pandémies ou des mises en commun d’innovations à l’origine locales. C’est ainsi, que de la Méditerranée aux mers de Chine, depuis plusieurs millénaires, les sociétés toutes jointives finissent par partager bien des plantes et des animaux, des croyances et des techniques, des instruments monétaires et des virus. Alors qu’outre-mer ou outre-désert, donc compte-tenu des configurations des terres et des océans, d’autres expériences sociales se sont épanouies.

Le tissage de plus en plus serré de ces interrelations, ce qu’on appellerait aujourd’hui la « mondialisation » mais qui s’est amorcée bien avant les grandes connexions du XVIe siècle, produit une géographie à la fois constamment différenciée et homogénéisée. Les contrastes sont d’abord fondés sur l’exploitation des irrégularités de la surface terrestre, à commencer par les variations de l’angle que font les rayons solaires en atteignant la surface sphérique du globe. L’utilisation différenciée des zones climatiques est devenue la toile de fond du « Nord » et du « Sud ». Inégalités humaines et exploitation planétaire composent une même histoire depuis bien longtemps. L’un des mécanismes compensatoires est celui utilisé depuis deux millions d’années par les humains : la mobilité. C’est ce qu’on appelle « la planète migratoire ».

L’usage de la planète a connu depuis trois siècle une accélération croissante. La solution de facilité que représente le choix de gaspiller les réserves fossiles de carbone, le charbon et les hydrocarbures, a permis et permet encore une production et une consommation massives (et très inégalitaires) pour une population multipliée par dix en trois siècles. Tant que le processus est resté le privilège d’un tout petit nombre de sociétés, la transformation du système terrestre restait modérée ; mais il s’est diffusé massivement depuis un demi-siècle. Persévérer s’avère dramatique, mais le scénario n’est pas forcément écrit…

La conférence sera fondée sur un jeu de cartes (historiques), donc d’images fixes formant une bande dessinée cartographique de l’histoire des humains sur la Terre.

 

Avec

Grataloup

Christian Grataloup

Christian Grataloup est « le plus historien des géographes ». Agrégé et docteur en géographie, ancien professeur à l’université Paris Cité, il est spécialiste de géohistoire. Il a participé à de nombreuses publications : Géohistoire de la mondialisation (Armand Colin, 2015), l’Atlas global (Les Arènes, 2016), Le Monde dans nos tasses (Armand Colin, 2017), l’Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), L’invention des continents et des océans (Larousse, 2020), l’Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020) et l’Atlas historique de la Terre (Les Arènes & Croque Futur, 2022). Ses dernières parutions (la série des Atlas), préparées en collaboration avec la revue L’Histoire, ont rencontré un vif succès public.

 

 

 

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