Le remembrement rural a été un pilier de la modernisation agricole de la France dans la seconde moitié du XXe siècle. Encadré par la loi du 9 mars 1941, il consiste en un échange généralisé et obligatoire des parcelles à l’échelle d’une commune, de façon à les regrouper autour des exploitations et à les agrandir, notamment pour faciliter la tractorisation. Largement encouragée et subventionnée par l’État, l’opération est rapidement appliquée dans les régions d’openfield et touche les régions de bocage à partir des années 1960, faisant tourner à plein régime les bulldozers chargés d’exécuter les « travaux connexes » au remembrement. L’arrachage des haies ou le drainage des terrains contribuent au déploiement d’une agriculture plus intensive, à la transformation des paysages, et surtout à un bouleversement de la société paysanne. Les résistances furent toutefois nombreuses, bien qu’encore peu étudiées. À rebours des récits convenus sur l’arrivée du progrès agricole dans les campagnes, l’histoire du remembrement permet d’approcher les contradictions et les souffrances du monde paysan face à la modernisation du métier, qui fut tout sauf une « révolution silencieuse ».