En 1983, le réalisateur Jude Ratnam a 5 ans lorsqu'il doit fuir avec sa famille les violences cingalaises contre la minorité tamoule au Sri Lanka. Alors que certains prennent les armes pour se défendre, ces "émeutes" violentes, endémiques depuis l'indépendance, débouchent sur une guerre civile. Aujourd'hui, des rescapés s'interrogent sur le rêve brisé d'un État tamoul indépendant, et sur les raisons de massacres fratricides perpétués entre groupes rivaux, au sein même d'une communauté tamoule divisée et meurtrie.

Coupable aux yeux des Cingalais d'avoir été "favorisée" durant la colonisation britannique, la minorité tamoule, opprimée, a été l'objet de violences depuis l'indépendance du pays. En juillet 1983, de nouvelles émeutes les visent : des Cingalais tuent, pillent, dans l'indifférence complice du pouvoir et de la police. Les Tamouls, "pourchassés comme des animaux", doivent se cacher, fuir, se déguiser pour effacer toute trace d'appartenance à cette communauté.

Jude Ratnam et sa famille, comme beaucoup d'autres, rejoignent le nord du pays, réfugiés dans leur propre pays. Son oncle, qui a vu sa propre mère sombrer dans la folie à force de vivre dans la peur et la souffrance, raconte comment il a alors choisi de "militer", c'est-à-dire de rejoindre les groupes armés de la guérilla tamoule. Tous rêvent d'une terre promise, d'un "Tamil Eelam" inaccessible, d'un État indépendant…

Cette lutte qui va durer près de trente ans n'apportera que souffrances et désillusions. En plus de combattre l'armée régulière sri lankaise, les groupes tamouls - Tigres, TELO, NFLT, EPRLF… - se déchirent entre eux. On traque les "traitres", les massacres au sein même de la minorité se multiplient, frappant groupes rivaux et population civile.

Après des décennies de lutte, la guérilla tamoule est vaincue. Mais pour les rescapés, pour ceux qui ont parfois dû s'exiler loin après la défaite, le bilan est amer. Comment renouer le dialogue au sein même d'une communauté qui s'est déchirée avec tant de violence, brisant toutes les barrières morales ? Quels résultats peuvent bien produire ces injonctions à oublier la guerre, à aller de l'avant, à gommer les différences et enfouir les peurs dans un pays où une minorité se sent encore en danger ?